71 visages de Klaara Peters - Jagna Ciuchta
L'exposition
71 visages de Klaara Peters
Une exposition de Jagna Ciuchta
Avec les œuvres de C. Dugit-Gros, ïan Larue, Colombe Marcasiano, Laurène Marx, Janina Patocka, Harilay Rabenjamina et les autres à venir.
Exposition du 05 avril au 28 juin 2025
Klaara Peters, dont le nom a été inventé par Jagna Ciuchta, est le double fictif d’une peintre flamande du 17ème siècle, Clara Peeters. Une quarantaine de natures mortes lui sont attribuées, qui au-delà de leur virtuosité, révèlent une singularité : on peut déceler sur les surfaces polies et métalliques des objets représentés, vases, coupes, timbales et autres bijoux, le reflet de l’artiste comme autant de signatures.
Qu’est-ce qui aurait motivé Clara Peeters à ainsi multiplier ces apparitions ? Jagna Ciuchta émet l’hypothèse d’une espiègle affirmation de soi. En s’introduisant dans ses tableaux, elle réfléchit son propre regard et défie les regardeur.euses. Elle ne s’efface pas derrière l’apparent faste de ses compositions et fait un pied-de-nez à la sous-représentation des artistes femmes (elle est une des très rares artistes femmes à travailler à cette époque). Dès lors, elle n’est pas qu’un nom mais un corps, un visage, des visages.
L’œuvre de Jagna Ciuchta est traversée par cette remise en jeu de ce qui fait signature. Elle met à mal son caractère univoque, son autorité. Elle n’expose ainsi jamais seule. Elle imagine, à l’occasion de chaque nouveau projet, un dispositif scénographique qui accueille des œuvres d’autres artistes. Elle rassemble pour cette exposition son vocabulaire plastique habituel : de larges miroirs déformants, des chaînes, des sangles, des châssis imposants, autant de matériaux et d’objets qui vont engager une relation directe entre les œuvres et le public. L’artiste n’use pas d’artifice de dissimulation. On sait comment tout tient et comment tout est assemblé.
Jagna Ciuchta parvient pourtant à créer un climat, une ambiance, une étrangeté, quelque chose d’électrique dans l’air, généré probablement par la série de miroirs déformants installée sur les murs ainsi que les peintures murales aux couleurs acides qui semblent jaillir des cimaises et rebondir sur les surfaces polies. Les miroirs brouillent la perception de l’espace et reflètent des images difformes et instables. Tout vibre, comme si l’exposition était toute entière réfléchie sur une surface ondulante d’eau, comme si elle était la réplique incertaine d’elle-même.
L’artiste apprécie les systèmes et/ou surfaces d’accroche qui tiennent, suspendent les œuvres sans pour autant les fixer complètement. Lestées le long de chaînes ou accrochées sur des matières transparentes et/ou miroitantes, les pièces exposées vacillent légèrement, contiennent un mouvement interne, la possibilité d’être autre.
Jagna Ciuchta compose au sein de l’exposition un portrait éclaté, étendu d’elle-même. Elle a convié les artistes C. Dugit-Gros, ïan Larue, Colombe Marcasiano, Laurène Marx, Janina Patocka et Harilay Rabenjamina à la rejoindre. Chacun.e de ces invité.es présente un double possible de lui et elle-même et par rebond, réflexion, de Jagna Ciuchta. Ce caractère composite est accentué ici par le jeu des miroirs déformants qui renvoient l’image des oeuvres se dissolvant et se mêlant les unes aux autres.
Ce portrait élargi et fractionné est augmenté tout au long de l’exposition par des dessins des élèves de l’école des beaux-arts et du public. L’artiste les invite en effet à représenter leur reflet déformé que leur renvoient les miroirs et à exposer leurs réalisations parmi toutes les autres déjà accrochées.
Jagna Ciuchta, en introduisant un trouble dans la perception des visiteur.ses, fait écho à la question exposée de Laurène Marx, une des artistes invité.es : « Eh dis-moi... Puisque tout le monde a deux visages… pourquoi moi je ne pourrais pas en avoir trois ? ».